Le 8 aout, nous quittons la Russie pour rejoindre Sémeï, la ville la plus au nord du Kazakhstan sur ce parcours. Sémeï est une ville très agréable, qui nous avait déjà charmés à l'aller et que nous retrouvons avec plaisir.
Cette ville fut le lieu de résidence « obligatoire » de Dostoïevski pendant plusieurs années d'exil. Sa maison de bois jouxte le musée qui lui est dédié.
Sur deux étages, on y voit la cuisine, la salle à manger et tous les ustensiles de cuisine et la vaisselle, sa chambre à coucher et son bureau. Il est émouvant de se trouver en ces lieux, marcher sur ces planchers irréguliers où il a fait tant de pas, voir son bureau avec plume et encrier et de nombreux documents écrits de sa main. Trois livres ont été écrits ici, mais leur nom en russe n'ont éveillé aucun souvenir dans ma mémoire. Je dévorais les livres de Dostoïevski durant mon adolescence et, tout à coup, il semblait prendre vie sous mes yeux...
Sa présence à Sémeï, ainsi que celle d'autres intellectuels en exil comme lui, entraina un véritable épanouissement des arts et encouragea l'éducation de la population locale.
J'étais tellement subjuguée qu'il me semblait soudain comprendre tout ce que me disait notre guide en russe ; peut-être que je devinais seulement ce que je savais déjà plus ou moins....?
Mais Sémeï, c'est aussi la tristement célèbre Sémipalatinsk qui fut le lieu choisi par les soviétiques pour effectuer leurs essais nucléaires. De 1949 à 1989, 460 bombes nucléaires ont explosé dans le polygone, une vaste zone de steppe, soi-disant inhabitée, située à 100 km à l'ouest de la ville.
Les conséquences sur la santé des habitants de la région se font encore durement sentir.
A Sémeï, au marché, nous avions acheté un chouca de 1 kg, pour 1, 50 € seulement.
Ah oui! Le chouca, c'est le brochet en russe.
Plat très répandu dans toute l'Asie Centrale. Il s'appelle pelmiéni en Russie, manti en Ouzbékistan et Kazakhstan, buzz (proncer bouse) en Mongolie. Ce sont de raviolis fourrés en général à la viande de mouton hachée .
Ces cimetières, très fréquents au Kazakhstan et qu'on ne trouve que dans ce pays, sont un délice pour les yeux!
Notre route plein sud depuis Barnaul nous fait traverser un Kazakhstan de plus en plus chaud. Nous faisons halte près des torrents descendant des glaciers tout proches qui font la frontière avec la Chine.
Le paysage fait alterner de longs trajets au milieu de collines couvertes d'herbe jaunie avec des zones agricoles, très vertes, très irriguées, où s'étendent d'immenses champs de céréales ou de tournesols.
En ville :
Sur les bords de route s'alignent les vendeurs de melons jaunes et de pastèques ; dans les villages, ce sont les vendeurs de pommes de toutes couleurs et toutes variétés. Certains y ajoutent les produits de leur jardin, concombres, tomates, pommes de terre, prunes, nèfles,....
Et puis on quitte les zones habitées et on retrouve la steppe sèche, jaune....
Ce qui est formidable en Sibérie comme au Kazakhstan et tous ces pays où l'hiver dure si longtemps, près de 5 mois et jusqu'à – 40°, c'est qu'après un très court printemps, la nature explose comme pour rattraper le temps perdu, ou ne pas perdre une minute de cet été qui sera si court.
Fin mai, le temps était aux labours et mi-aout de nombreux champs sont déjà moissonnés. Nous ne sommes pas agriculteurs mais il nous semble que chez nous cela ne va pas si vite. Dans les villes aussi, les femmes arborent leurs tenues d'été, très été parfois,....et il y a beaucoup de vie tard dans la nuit, comme si il fallait vite profiter de ce si court été.
Nous devons faire nos visas kirghizes et ouzbeks à Almaty. Nous laissons passer le week-end et restons quelques jours au bord d'un superbe lac avec en toile de fond les montagnes d'Almaty, situées à 100 km de là et qui culminent à 4900 mètres. Nous nous baignons pour nous rafraîchir de la chaleur qui augmente tout au long de la journée et dépasse facilement les 30°. La nuit est fraîche et il ne fait plus que 11° au petit matin.
C'est le 15 août. A 23 heures, nous entendons des détonations. C'est en fait un feu d'artifice qui se déroule sur une petite île devant nous. Nous sommes absolument seuls et sommes très surpris. Quand la dernière fusée s'éteint, quelques lumières, de plus en plus nombreuses, apparaissent sur le lac à côté de l'île; un petit bateau de croisière... le feu d'artifice n'était pas pour nous.... mais nous en avons bien profité quand même!!
Le lendemain matin, des pêcheurs pêchent au filet juste devant nous. Ils réunissent une grande quantité de poissons, parfois très gros. Ils nous en donné quelques exemplaires, heureusement pas des plus gros! Et ce jour-là nous avons tout compris : quand nous pêchons à la ligne, un très fort effet subjectif entre en compte : le poisson doit nous trouver, doit avoir faim, doit être curieux de ce qu'il y a au bout de notre hameçon, doit....Le pêcheur professionnel jette ses filets et ne demande rien au poisson, ni s'il a faim, ni s'il a envie de mordre,.... il le prend et c'est tout. Il n'a en fait aucun mérite!! Nous avons décidé de nous en remettre désormais aux pêcheurs professionnels, ainsi, notre pitance sera assurée.
Nous retrouvons Almaty où nous devons faire nos prochains visas. La ville, toujours aussi encombrée de voitures, nous est maintenant plus familière. On peut se repérer et c'est vraiment l'été maintenant ; toutes sortes de boutiques sont ouvertes sur les trottoirs, chachliks, kebaps, plov, nan, poulets rôtis (que l'on appelle tout simplement : grill), les fruits et légumes en très grande quantité. Beaucoup de monde dans les rues. L'été quoi!
A Almaty, nous avons retrouvé avec plaisir Qing et Yon qui avaient eu la gentillesse de faire notre lessive en mai lors de notre premier passage. Entre-temps, Anke,une magnifique petite fille est née, aujourd'hui âgée de 2 1/2 mois, et pleine de sourires!!
Nous faisons connaissance avec Jacques (canadien, un vrai gars du Québec avec l'accent!!...) et Elisabeth, plus modestement française. En voyage longue durée, ils arrivent eux aussi de la Mongolie mais ne rentrent pas au pays et se dirige vers l'Inde. Date de retour indéfinie. Cela fait du bien de se retrouver et de pouvoir échanger avec des gens qui pensent comme nous. Nous avons très studieusement fréquenté ensemble le cybercafé où nous pouvons travailler en wifi.
Petite récréation en téléphonant à la famille avec Skype.
Nos visas kirghises demandent 10 jours de délai. Nous les utilisons en nous rendant dans le Sharyn Canyon situé à l'est d'Almaty. Nous passons deux jours dans ce décor grandiose où à chaque tournant on s'attend à voir arriver John Wayne sur son cheval!
Dans le canyon, nous rencontrons deux cyclistes français, encore! qui arrivent de Chine, un petit voyage de 1 mois et demi. Courageux cyclistes! Toujours souriants et en forme quelque soit leur âge! Ceux-ci habitent près de chez nous, nous les reverrons à notre retour.
Nos visas n'étant pas encore prêts, nous décidons de nous offrir quelques petites vacances et de retourner au lac où nous étions si bien sans repasser par Almaty.
Souvent, on nous dit en vacances. Pourtant un voyage n'a rien de vacances. Lorsque vous partez en voyage pour les vacances, vous vous rendez dans une agence de voyages où vous achetez un billet tout compris. Il suffit alors de vivre ce que l'on vous propose. Parfois, vous organisez vous-mêmes votre voyage, deux ou trois semaines.
Mais le long voyage, c'est autre chose. C'est la vie de tous les jours avec en plus les imprévus (ensablement, embourbement, discussion avec la police qui vous trouve une infraction imaginaire), la route souvent longue (nous avons fait aujourd'hui 24 000 km exactement), les visas à faire face à des gens qui ne parlent que le russe parfois, les courses, trouver un endroit pour la nuit, chercher où on peut trouver de l'eau, ….. et plein d'autres choses qui font que le soir, on est complètement fatigué. Le simple stress de ne jamais parler sa langue et de toujours se trouver face à quelqu'un qui ne vous comprendra pas et que l'on ne comprendra pas.
Un exemple : en Mongolie, nous avons perdu notre plaque d'immatriculation en traversant une rivière et nous ne l'avons pas retrouvée. A Ulaan-Bataar la police a dit qu'elle ne pouvait pas faire de plaque étrangère ; même chose au garage Mercédès à Almaty. Cependant, nous sommes souvent arrêtés par la police qui veut nous mettre une amende . Comme nous avonsi fait un numéro écrit à la main placé sur la vitre arrière, le dernier policier nous a demandé si nous avions un dictionnaire ; il a cherché son mot pendant plus de dix minutes pour nous sortir : « contrefaçon, fraude ». Tout d'abord, nous avons tous deux éclaté de rire, puis je lui ai montré sur la carte grise que c'était notre numéro. Il s'est ensuite excusé.... Pour refaire cette plaque avant la France, nous n'avons pas de solution, alors nous continuerons à nous faire arrêtés par la police!
Eh oui! Dire à un voyageur qu'il est en vacances, c'est comme dire à un guide de montagne ou un moniteur de ski qu'ils passent leur vie en loisirs. Notre dernier cycliste était d'ailleurs guide....et voyageur en plus.
Nous sommes heureux de cette vie que nous avons choisie, mais de temps en temps des petites vacances au bord d'un lac sont très appréciables!